Pr
ès de 100 000 personnes sont descendues dans les rues du Danemark,
hier, pour y défendre l'Etat-providence. Avec, pour mots d'ordre : «Non à la privatisation»
,
«Non aux allégements fiscaux»
, ou encore,
«Plus de mains et plus de salaire»
. Fait rare, la Confédération des employés (FTF) s'est jointe au
mouvement, organisé par la centrale syndicale LO et des associations
étudiantes. Autre première : la participation des forces de l'ordre,
qui n'avaient pas manifesté depuis plus de vingt ans. «Nous voulons rappeler que l'Etat-providence et la sécurité vont ensemble et qu'on ne peut avoir l'un sans l'autre»
,
expliquait, la veille, le patron du Syndicat de la police, Peter Ibsen.
Infirmières. En fin de matinée, le chef du
gouvernement libéral, Anders Fogh Rasmussen, a présenté son discours de
politique générale devant le Parlement. Prenant soin de rappeler son
attachement au système de protection sociale, il a constaté que
l'augmentation de la main-d'œuvre serait «la tâche la plus importante» de son gouvernement. Les
Danois ne devront pas seulement travailler plus et plus longtemps ; le
pays devra recruter massivement à l'étranger et réformer son
Etat-providence, pour faire face à la pénurie de main-d'œuvre. Au cours
des derniers mois, 58 000 emplois n'ont pu être pourvus au Danemark.
Partout, les patrons disent refuser des commandes faute de
main-d'œuvre. Le secteur public n'est pas épargné. Actuellement, les
hôpitaux auraient besoin de recruter 1 000 médecins et 1 500
infirmières pour faire face au manque de personnel.
Le Danemark est-il
victime du succès de sa politique du plein emploi ? Lors de la crise
économique, au milieu des années 90, le pays affichait un taux de
chômage de 12 %. Aujourd'hui, il est à son niveau le plus faible depuis
trente ans (3,3 %). Les économistes y voient le résultat d'un climat
économique favorable, combiné au succès de la «flexsécurité», alliant flexibilité sur le marché du
travail, protection sociale élevée et programmes actifs de retour à
l'emploi. Per Kongshøj Madesen, professeur au Centre de recherche sur
le marché du travail à Aalborg, met pourtant en garde : «Nous avons atteint les limites de capacité sur le marché du travail.» Pour Steen Bocian, analyste en chef à la Danske Bank, la situation est
«urgente». Le manque de main-d'œuvre devrait coûter un
demi-point de croissance au royaume dès cette année. Une pression à la
hausse des salaires est à craindre. «Pendant des années, nous avons eu une baisse du chômage sans augmentation des revenus, mais ça ne peut plus durer», constate Torben Andersen, professeur d'économie à l'université d'Aarhus.
Réduction. Pour le porte-parole de la Confédération
des employeurs danois, Jørgen Bang-Pedersen, la réduction de la
pression fiscale (au deuxième rang derrière la Suède, à 47,7 % du PIB)
est «indispensable pour attirer la main-d'œuvre qualifiée étrangère au Danemark»
. Faux, rétorque les syndicats, qui assurent que c'est la qualité de
son Etat-providence qui donne un avantage au royaume. Selon un sondage
réalisé début août, seuls 1,9 % des Danois interrogés estimaient qu'un
allégement fiscal était une priorité. En dépit du gel fiscal décrété en
2002, les collectivités locales ont, elles, annoncé qu'elles
augmenteraient les impôts locaux de 270 millions d'euros en 2008. Le
tout pour pouvoir augmenter les salaire des fonctionnaires, dont les
accords collectifs doivent être renégociés au printemps.
en voilà un bel endroit pour fonder une communauté épicurienne; si manque de main d'oeuvre = pression à la hausse des salaires, on peut y trouver facilement des emplois bien rémunérés..